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Diane, Actéon et la culture...

Dernière mise à jour : 3 févr.

Billet de prof qui s’inquiète pour l’avenir de son métier… et de ses élèves.


Le récent incident au collège Jacques-Cartier à Issou, dans les Yvelines, après la présentation du tableau Diane et Actéon par une professeure de français, soulève une question fondamentale sur la place de la culture dans l’éducation.


L’œuvre de Giuseppe Cesari, datant du XVIIe siècle et illustrant une scène mythologique, a provoqué un choc chez certains élèves. Bien que les accusations initiales de racisme et de provocation aient été démenties, la réaction des élèves a conduit à un exercice de droit de retrait par les enseignants, craignant pour leur sécurité et déplorant un climat éducatif dégradé.


Diane et Actéon de Giuseppe Cesari XVIIe siècle

Faut-il exposer les élèves à la culture, même si celle-ci peut heurter des sensibilités ?


Oui, mille fois oui.


L’art, dans toute sa diversité, a souvent été un vecteur de choc et de questionnement. Il nous confronte à des idées, des histoires et des représentations qui peuvent nous éloigner de notre zone de confort pour diverses raisons, dont nos croyances. C’est précisément dans cette confrontation que réside l’opportunité d’apprendre et de grandir.


Il est essentiel de reconnaître que l’éducation ne se limite pas à l’acquisition de compétences ou de connaissances factuelles ; elle est aussi une ouverture sur le monde, ses cultures, et son histoire. L’exposition à diverses formes d’art, même celles qui peuvent choquer, fait partie intégrante de cette ouverture. Elle permet aux élèves de développer une compréhension plus profonde et nuancée du monde qui les entoure, tout en les encourageant à réfléchir de manière critique et empathique.


En fin de compte, la culture doit être montrée, même si elle choque. Elle ne doit pas être censurée ou évitée, mais plutôt utilisée comme un outil pédagogique pour engager les jeunes esprits dans un dialogue critique et ouvert sur le monde. C’est par cette exposition et cette discussion que l’éducation peut véritablement remplir son rôle d’enrichissement des perspectives.



Mythologie (Diane et Actéon) :


L'histoire de Diane et Actéon est un récit tiré de la mythologie grecque, plus précisément des Métamorphoses d'Ovide, un poète romain.


Actéon, un jeune et habile chasseur, était le petit-fils du roi de Thèbes, Cadmos. Un jour, alors qu'il chassait dans les bois, il s'aventura accidentellement dans un endroit sacré. Là, il tomba sur Diane, la déesse de la chasse, qui prenait son bain. Diane était connue pour sa chasteté et son désir de préserver sa pureté.


Surprise et furieuse d'avoir été vue nue, Diane réagit promptement pour punir l'intrusion involontaire d'Actéon. Elle transforma Actéon en cerf. Soudainement privé de sa forme humaine et incapable de parler pour expliquer ce qui s'était passé, Actéon fut horrifié. Sa propre meute de chiens, ne le reconnaissant plus, le prit pour un véritable cerf. Ils le poursuivirent et, finalement, le déchirèrent.


Cette histoire tragique est souvent interprétée comme une leçon sur les dangers de la transgression involontaire des limites sacrées et sur les conséquences de la colère des dieux.


Dans l'art, cette scène a été représentée à de nombreuses reprises, mettant en lumière autant la beauté et la puissance de Diane que la transformation tragique et la mort d'Actéon. La moralité de cette histoire se concentre fréquemment sur les thèmes de la punition divine et de la fragilité humaine face aux caprices des dieux.

 

Diane et Actéon, de Titien, XVIe siècle
Diane et Actéon, de Titien, XVIe siècle

Littérature, Diane et Actéon dans Addiction sensuelle :


Et pour une respiration aussi littéraire que picturale, voici un extrait de mon roman Addiction sensuelle, dans lequel le lecteur croise un tableau du Titien, lui aussi intitulé Diane et Actéon.


Dans le cadre de leur week-end dédié au sens de la vue, Adam et Elsa visitent la National Gallery.


— Prenez garde, Elsa. Vous ignorez encore ce dont je suis capable.

Sa voix de velours la troubla un instant, puis elle répliqua :

— Pourquoi ai-je l’intime conviction que je le découvrirai avant le mois de juin ?

— Peut-être avez-vous des talents de médium ?

— Ou peut-être suis-je simplement douée de logique : le loup ne fréquente pas l’agneau sans envisager de le croquer.

Le rire d’Adam se répercuta entre les colonnes. Pour un agneau, la jeune femme avait la langue sacrément bien pendue.

— Passez devant, damoiselle mérinos, dit-il en lui tendant un plan du musée.

Elsa prit le temps de l’étudier, puis partit en direction des salles consacrées au XVIe siècle. De gigantesques toiles jouxtaient des tableaux de taille plus raisonnable. Elle s’attarda devant une peinture à sujet mythologique du Titien intitulée Bacchus et Ariane. À la tête d’une procession de ménades et de satyres, le dieu du vin, à peine vêtu d’une étole rouge, bondissait sur Ariane, la fille du roi Minos.

Adam chuchota à son oreille :

— Après la mort du Minotaure, Thésée a abandonné Ariane sur l’île de Naxos. Bacchus l’y a découverte et en est tombé amoureux… jusqu’à l’obsession.

Comme Adam. Sauf que dans leur cas, il n’était pas question d’amour.

— Et dans l’histoire, vous êtes plutôt Bacchus ou plutôt Thésée ? répondit-elle sur le même ton.

— Thésée. Je n’aurais pas l’impudence de me comparer à un dieu.

Il l’abandonnerait donc sans remords ni regret, comme le héros grec avait délaissé la douce Ariane une fois qu’elle ne lui eut plus été utile. Mais au moins, Adam ne lui avait jamais rien promis.

Ils continuèrent leurs déambulations jusqu’à deux autres toiles disposées côte à côte : Diane et Actéon et Diane et Callisto.

La première représentait le chasseur Actéon arrivant par hasard sur le lieu de baignade de la déesse Diane. Le dynamisme, les couleurs et les jeux de lumière sur les peaux nues rendaient la scène presque vivante. La seconde figurait la déesse dévêtue, un bras accusateur tendu vers la nymphe Callisto, que des jeunes femmes maintenaient et déshabillaient afin d’exposer sa grossesse interdite. Une chaleur trouble se diffusa en Elsa devant cette exhibition de chairs voluptueuses.

— Vous souhaitiez que je voie ces tableaux, affirma-t-elle.

— C’est exact. Pourquoi, d’après vous ?

Elle haussa les épaules.

— Leur sensualité, et l’aspect mythologique, aussi.

— Poursuivez.

Elle observa longuement Diane et Callisto avant de répondre :

— La nymphe Callisto, malgré son vœu de chasteté, a été séduite par Jupiter déguisé en Diane. Elle est tombée enceinte et la déesse l’a bannie.

— Ce que vous interprétez par ?

— Prenez bien votre pilule sinon vous le regretterez ? le provoqua-t-elle.

Il rit, de ce rire grave qui se répandait jusqu’au fond de son ventre pour y instiller une embarrassante chaleur.

— Je pensais plutôt à « méfiez-vous des apparences », répliqua-t-il. Et pour Diane et Actéon ?

Elsa se mordilla les lèvres avant de lire le panneau explicatif à voix haute :

— « Furieuse d’avoir été surprise au bain par le chasseur Actéon, la déesse Diane le transformera en cerf pour qu’il soit abattu par ses propres chiens. » Peut-être faut-il établir un lien avec vos conquêtes féminines qui préféreraient vous égorger plutôt que de vous laisser repartir ?

— Je ne le voyais pas ainsi.

— Vous devriez peut-être.

Il se contenta de sourire, imperturbable. Sans insister, elle se remit en route en direction des tableaux de Vélasquez. Soudain, Adam la retint par le bras.

— Gardons-le pour la fin, voulez-vous ?

— Je n’oserais vous contrarier.



 

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